Formation des enseignants : une catastrophe… organisée !
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Dernier avatar d’une « masterisation » qui a détourné les étudiants des concours d’enseignement, la réforme de la formation des enseignants et des concours a été passée en force au printemps 2025 par Élisabeth Borne, avec une copie strictement identique à celle de Nicole Belloubet l’année précédente (voir ici). En conséquence, la FNEC FP-FO a réitéré sa revendication de moratoire de cette réforme.
Trois filières en licence et deux concours en parallèle : ou comment perdre les étudiants
Au niveau licence, les collègues des UFR et INSPÉ ont été contraints de concevoir dans la plus grande précipitation de nouvelles maquettes, pour les futurs PE exemptés d’épreuves écrites, pour les préparationnaires du concours PE « normal » ainsi que, dans chaque discipline, pour les étudiants préparant les CAPES et autres concours du second degré.
Au niveau master, ils ont dû aménager des « parcours » pour les actuels étudiants de master souhaitant passer le concours en L3 et en prévoir pour les étudiants de licence qui réussiraient le concours en L3.
Les étudiants (en particulier ceux entrant en L3) ont été avertis au dernier moment, avec très peu d’informations sur les épreuves de concours comme sur le cursus post-concours.
Inégalité généralisée pour les étudiants
Tous les départements universitaires concernés et les INSPÉ ont « bidouillé » pour s’adapter aux nouveaux concours tout en reformatant les masters MEEF, maintenus en théorie pour deux années encore. Mais les dotations horaires pour ce faire sont rarement au rendez-vous, en raison de budgets universitaires déjà exsangues. Les nombreuses « mutualisations » entre parcours amputent et les horaires des préparations aux concours et les formations dispensées post-concours. Et les situations se sont différenciées à la mesure des diversités dans la pénurie ou des « politiques de site ». Résultat : de fortes inégalités territoriales devant les concours.
Doubles concours : des milliers de postes perdus et une baisse prévisible du nombre de lauréats
Les concours en L3 nécessitent de débloquer des postes en plus de ceux prévus pour les concours au niveau master 2. Ces 7147 postes destinés à accompagner la réforme des concours, ce sont autant d’enseignants en moins dans les classes des premiers et seconds degrés dès maintenant. C’est aussi moins d’enseignants demain, puisque des étudiants de master vont réussir les deux concours et qu’il y aura donc moins de lauréats. Beaucoup de postes mis au concours ne seront donc pas pourvus.
« Calibration » des concours : des disparitions de formations ou de sites INSPÉ
Autres conséquences négatives en chaîne : les rectorats ont « calibré » ou réparti les postes entre les concours M2 et L3 en fonction des réussites qu’ils estiment prévisibles aux concours. La « calibration » a manifestement été faite « au doigt mouillé » et de manière très diverse selon les académies.
Mais ses effets destructeurs sur le maillage de formation des enseignants sont déjà très concrets. Ainsi sont agendées pour l’année prochaine des mises en sursis ou même des disparitions de sites INSPÉ. Dans l’académie de Rennes, par exemple, Quimper est menacé et Vannes est voué à la disparition dès l’année prochaine. En ce dernier cas, le site et la formation pour les PE seraient même concédés… à l’enseignement catholique !
Quant aux collègues qui enseignaient jusqu’à présent dans ces sites INSPÉ, ils sont libres d’aller trouver du travail à près d’une centaine de kilomètres (les sites INSPÉ de l’académie de Rennes dépendant de l’université de Brest…).
Au passage, le gouvernement fait quelques dégâts supplémentaires en sourdine, comme la suppression cette année de concours du second degré, ainsi du CAPES et de l’agrégation de portugais…
Une machine à fabriquer des contractuels : des étudiants de M1 ou de L3 poussés vers la sortie
Que feront les actuels étudiants de M1 qui n’auraient pas réussi le concours L3 ? La possibilité de passer le concours en fin de M2 en 2027 leur est en théorie ouverte. Encore faut-il pour cela que des heures soient débloquées pour cette préparation. Compte tenu de la situation de détresse budgétaire de nombre d’universités, rien n’est moins sûr.
De même, dans beaucoup d’universités, rien n’est prévu au niveau master pour les étudiants de L3 qui ne réussiraient pas le concours (PE ou CAPES). À Saint-Étienne, à Toulouse, il n’est pas question pour les universités de débloquer les heures nécessaires à un « parcours » de master pour les L3 non lauréats.
Étudiants de Master ou de L3 échouant au nouveau concours L3 sont ainsi poussés vers la sortie. La conclusion est évidente : ils seront embauchés par l’Éducation nationale en tant que contractuels sous-payés.
Face à cette catastrophe organisée, la FNEC FP-FO exige :
- le maintien de tous les sites de formation, le maintien de tous les personnels en place : aucune mobilité forcée, aucune suppression de postes dans le supérieur ;
- les dotations budgétaires supplémentaires nécessaires pour que personne ne soit laissé au bord du chemin, que partout en 2026–27 les étudiants de M1 aient la possibilité de passer les concours en M2 en 202, les étudiants de L3 non lauréats de poursuivre en master.
Et elle réaffirme ses revendications :
- Retour à des épreuves disciplinaires pour les concours, avec en amont des licences disciplinaires ;
- Aucune inégalité devant le concours, les mêmes épreuves pour toutes et tous ;
- Abandon de la « masterisation », concours au niveau licence avec une formation rémunérée à plein temps sous statut, éventuellement reconnue comme valant grade de master.
Enfin, en plaçant les universités dans l’impossibilité budgétaire de répondre positivement aux demandes des étudiants, le budget Macron-Lecornu-Geffray-Baptiste confère à cette réforme toute sa potentialité destructrice. Ce budget de guerre, imposé aux travailleurs par d’indignes tractations politiciennes, doit être purement et simplement abandonné. De l’argent pour l’École, pas pour la guerre !