Rejet mas­sif du « choc des savoirs » : dis­cu­tons de la grève pour le bloquer

20 Fév, 2024Com­mu­ni­qué

Lors du Conseil Supé­rieur de l’Éducation du 8 février, 6 textes sur le « choc des savoirs » ont été pré­sen­tés. La FNEC FP-FO a voté contre l’ensemble des textes, comme la grande majo­ri­té des membres du CSE.

Ce « choc contre les savoirs » s’inscrit dans la conti­nui­té et dans l’aggravation des contre-réformes menées ces der­nières années. Après la réforme du col­lège de 2015 et celle du lycée de 2018, qui ont sup­pri­mé des mil­liers d’heures dis­ci­pli­naires, après le bac­ca­lau­réat Blan­quer et « Par­cour­sup », véri­tables machines à déqua­li­fier la jeu­nesse, le « choc des savoirs » fran­chit une étape sup­plé­men­taire dans la des­truc­tion de l’École publique : moins d’enseignements, plus de déréglementation…

« Choc des savoirs », « Par­cour­sup », « Réforme de la voie pro », « SNU » : un même objec­tif, par­ache­ver la des­truc­tion de l’École publique

En outre, cette réforme trans­for­me­rait le col­lège en machine à trier les élèves en orga­ni­sant les cours de mathé­ma­tiques et de fran­çais en groupe de niveaux et en condi­tion­nant l’accès direct au lycée par la mise en place de pré­pas lycées 2de en LGT ou LP.

Dans la logique de la réforme de la voie pro­fes­sion­nelle, des stages en entre­prises en fin de 2de et de la géné­ra­li­sa­tion du Ser­vice Natio­nal Uni­ver­sel, il s’agit pour le gou­ver­ne­ment d’orienter des mil­lions d’élèves vers l’exploitation patro­nale ou l’embrigadement dès leur plus jeune âge.

En remet­tant en cause le droit à l’instruction pour tous, le gou­ver­ne­ment sait ce qu’il fait : pous­ser les familles qui le pour­ront à choi­sir le pri­vé plu­tôt que le chaos.

Mise en place des groupes de niveau au collège

Ce pro­jet va mal­trai­ter une géné­ra­tion entière de col­lé­giens. Sor­tir les élèves du groupe, sup­pri­mer les classes, confron­ter les enfants à un chan­ge­ment per­pé­tuel de cama­rades est source de mal-être, comme c’est le cas pour les lycéens suite à la réforme du lycée. Ce tri des élèves en orga­ni­sant les cours de mathé­ma­tiques et de fran­çais en groupes de niveaux va évi­dem­ment accroître les inégalités.

Créer ces groupes de niveau est en soi catas­tro­phique. Cou­plé avec les moyens qui manquent par­tout, cela entraîne des effec­tifs tou­jours plus char­gés dans les classes et dans les groupes. La pré­ten­due sou­plesse par éta­blis­se­ment pour mettre en place cette réforme dont per­sonne ne veut n’est qu’une manière de lais­ser la res­pon­sa­bi­li­té de la ges­tion de la pénu­rie aux chefs d’établissement.

En même temps, ce décret mal­traite les enseignants :

  • les ensei­gnants de tech­no­lo­gie trai­tés avec mépris, leur dis­ci­pline étant sup­pri­mée en 6e l’année der­nière pour la rem­pla­cer par le dis­po­si­tif de sou­tien et d’approfondissement voué à dis­pa­raître l’an pro­chain pour créer des groupes de La sup­pres­sion totale de cette heure d’enseignement fai­sant pas­ser de 26 à 25h d’enseignement en 6e est inacceptable ;
  • les ensei­gnants de lettres clas­siques qui voient encore leur volume heb­do­ma­daire réduire d’une heure en 4e et en 3e ;
  • les ensei­gnants d’arts plas­tiques, de musique, de LV2 dont les dis­ci­plines en par­ti­cu­lier deviennent des variables d’ajustement ;
  • les ensei­gnants de SVT, de phy­sique, de tech­no­lo­gie encore eux, qui voient les der­niers dédou­ble­ments sup­pri­més, ce qui empêche toute manipulation ;
  • les ensei­gnants de mathé­ma­tiques et de fran­çais, évi­dem­ment, pri­vés d’enseigner à des classes, d’enseigner à des élèves qu’ils connaissent vrai­ment, pri­vés de leur liber­té péda­go­gique et pri­vés d’être pro­fes­seur prin­ci­pal dans des condi­tions cor­rectes. Dans les petits éta­blis­se­ments, les postes à com­plé­ment de ser­vice, par­fois sur des éta­blis­se­ments éloi­gnés se mul­ti­plient pour mettre en place les groupes en barrette.

L’ensemble des ensei­gnants va subir la désor­ga­ni­sa­tion du col­lège avec des emplois du temps catas­tro­phiques, et des effec­tifs dans les classes qui ne font qu’augmenter.

Et pour l’ensemble des per­son­nels, en par­ti­cu­lier les vies sco­laires, les condi­tions de tra­vail vont encore être dégra­dées par l’augmentation des conflits et du mal-être des élèves qu’ils devront recueillir.

En outre, dans cer­tains dépar­te­ments, des pres­sions s’exercent déjà sur les Pro­fes­seurs des écoles, notam­ment de CM2, pour faire les groupes de niveaux en fran­çais et en mathé­ma­tiques qui ser­vi­ront en 6e ! Inac­cep­table !

Enfin, les heures de sou­tien, rému­né­rées en HSE ou en « pacte », pour­tant reje­té, qui pour­ront être assu­rées par les pro­fes­seurs des écoles, sont éga­le­ment inacceptables.

Le minis­tère, sans reve­nir sur le texte, indique que le texte ne pré­cise pas le nombre de groupes de niveaux à mettre en place en mathé­ma­tiques et fran­çais. Les 3 niveaux ne sont pas impo­sés. Il indique que les DASEN cen­tra­lisent les manques de moyens actuellement.

Vote sur l’arrêté modi­fiant l’arrêté du 19 mai 2015 rela­tif à l’or­ga­ni­sa­tion des ensei­gne­ments dans les classes de col­lège : 67 contre ; zéro voix pour et une abs­ten­tion (UNAF)

Consé­quences du « choc des savoirs » sur les classes de SEGPA

Comme pour l’enseignement géné­ral, les élèves de SEGPA perdent une heure d’enseignement en 6e et deux heures de sou­tien sont pos­sibles, là aus­si, rému­né­rées en HSE ou en « pacte ».

Le texte évoque éga­le­ment des groupes pour l’enseignement de mathé­ma­tiques et de fran­çais alors qu’aucun moyen n’a été attri­bué pour dédou­bler les classes, pire, les moyens en SEGPA ne font que dimi­nuer, avec la mul­ti­pli­ca­tion du regrou­pe­ment des classes à double niveau, le manque de moyens pour per­mettre les dédou­ble­ments en ateliers …

Dans cer­tains col­lèges les élèves SEGPA sont inté­grés dans les groupes des élèves les plus en difficulté.

C’est la remise en cause des classes SEGPA.

Vote sur l’arrêté modi­fiant l’arrêté du 21 octobre 2015 rela­tif aux classes des sec­tions d’enseignement géné­ral et pro­fes­sion­nel adap­té : UNANIMITE CONTRE

Modi­fi­ca­tion des règles de redoublement

Le texte sur le redou­ble­ment ne per­met­tra pas aux élèves fra­giles d’acquérir les savoirs qui leur seront néces­saires pour réus­sir leur sco­la­ri­té. Le décret ne per­met pas d’atteindre cet objec­tif. Pour pou­voir déci­der un redou­ble­ment, il fau­dra res­pec­ter une pro­cé­dure très lourde, chro­no­phage et dis­sua­sive tant pour les équipes péda­go­giques que pour les élèves.

  • Les élèves devront avoir par­ti­ci­pé aux actions péda­go­giques du pro­gramme per­son­na­li­sé de réus­site édu­ca­tive (PPRE).
  • Le texte pré­cise : « Ces actions, avec l’accord des res­pon­sables légaux, et sur la base du volon­ta­riat des pro­fes­seurs, peuvent prendre la forme de stages de réus­site orga­ni­sés lors des vacances sco­laires dans la limite de trois semaines par an ».
  • Des ren­contres avec les res­pon­sables légaux avant la fin du second tri­mestre (pre­mier semestre). Si le minis­tère vou­lait mettre en place un redou­ble­ment utile aux élèves, il lui fal­lait créer des mil­liers de postes, ce qui n’est pas le cas.

Les com­mis­sions d’appel res­te­ront en vigueur. L’article L311‑7 du code de l’Éducation dis­po­sant que « le redou­ble­ment ne peut être qu’ex­cep­tion­nel » ne sera pas abro­gé. Au final, il n’y aura pas plus de redou­ble­ments, mais on fera assu­mer la res­pon­sa­bi­li­té de faire pas­ser des élèves qui n’ont pas le niveau aux pro­fes­seurs qui n’auront pas voulu/pu mettre en place les contraintes non statutaires.

Vote sur le décret rela­tif à l’accompagnement péda­go­gique des élèves et au redou­ble­ment : Pour : 3 (SNALC, CFTC) Contre : 57 (dont FNEC FP-FO) Abs­ten­tion : 11

La classe pré­pa­ra­toire à la classe de seconde pour les reca­lés du DNB

Le dis­po­si­tif des­ti­né aux élèves qui n’auront pas obte­nu le DNB en fin de 3e est pré­sen­té comme facul­ta­tif pour l’année 2024–2025 et 150 Emplois Temps Plein sont pré­vus afin de per­mettre l’ouverture d’une classe pré­pa­ra­toire à la seconde par dépar­te­ment. Aucune visi­bi­li­té n’est don­née sur les moyens attri­bués à par­tir de 2025–2026, mais il est déjà pré­vu qu’il n’y aura pas de telle classe dans chaque lycée. Les élèves n’accepteront pas de par­cou­rir des dis­tances impor­tantes pour suivre une telle for­ma­tion. Cette mesure risque donc d’augmenter la désco­la­ri­sa­tion des élèves qui étaient aupa­ra­vant majo­ri­tai­re­ment sco­la­ri­sés dans les lycées pro­fes­sion­nels et va les livrer à l’apprentissage pour répondre à la demande du patronat.

Pour cette « classe pré­pa­ra­toire à la seconde », aucun pro­gramme n’est pré­vu, mais « l’organisation et la mise en œuvre de la for­ma­tion s’appuient sur des pro­jets péda­go­giques, [dont] les thé­ma­tiques sont défi­nies par l’équipe péda­go­gique, puis vali­dées par le chef d’établissement ». C’est la mise en place d’un niveau tota­le­ment ter­ri­to­ria­li­sé, en dehors de tout cadre natio­nal et qui pré­sen­te­ra une charge de tra­vail sup­plé­men­taire consé­quente pour les ensei­gnants qui en auront la charge.

A la fin de leur année, les élèves n’auront pas l’obligation de repas­ser le DNB. Ils se ver­ront déli­vrer une attes­ta­tion de fin de cycle pré­pa­ra­toire à la classe de seconde.

On peut craindre que la mesure si elle était appli­quée conduise non pas à éle­ver le niveau de connais­sances des élèves, mais à abais­ser celui du DNB et à ren­for­cer les pres­sions des parents sur les notes au col­lège comme on le constate au lycée.

Par­mi les élèves qui n’ont pas le DNB actuel­le­ment, 45 000 sont orien­tés vers la voie pro­fes­sion­nelle. Ceux qui n’ont pas eu le DNB et qui étaient orien­tés en 2de pro­fes­sion­nelle ne le seront pas à la ren­trée 2025. Cette réforme va contri­buer à fra­gi­li­ser la voie pro­fes­sion­nelle tout comme la réforme Macron- Grand­jean dont la FNEC FP-FO exige le retrait.

Pro­jet de décret rela­tif à la label­li­sa­tion des manuels scolaires

La notion même de label­li­sa­tion est contraire à la liber­té péda­go­gique des ensei­gnants à laquelle FO est très atta­chée. En France les seuls pré­cé­dents ren­voient à une période assez peu glo­rieuse, celle du régime de Vichy.

Aujourd’hui, avec ce texte, le minis­tère fait injure aux pro­fes­seurs en lais­sant entendre que ceux-ci ne sont pas capables de juger de la confor­mi­té d’un manuel sco­laire avec les pro­grammes d’enseignement et sa qua­li­té péda­go­gique et didactique.

Les édi­teurs n’imprimeront plus que des manuels label­li­sés pour être sûrs de pou­voir les vendre. C’est

donc une cen­sure éco­no­mique que le minis­tère cherche à mettre en place aujourd’hui.

Certes, cha­cun a pu rele­ver à un moment ou à un autre des erreurs dans les manuels, ou des exer­cices impos­sibles à faire. Ces mal­adresses sont très sou­vent dues à la durée beau­coup trop courte entre la publi­ca­tion des pro­grammes et leur mise en appli­ca­tion dans les classes. Mais ce pro­blème n’est abso­lu­ment pas pris en compte par le texte pré­sen­té par le ministère.

Vote sur le décret rela­tif à la label­li­sa­tion des manuels sco­laires : Pour : 2 ; Contre : 57 (dont FNEC FP-FO) ; Abs­ten­tion : 2 NPPV 0

Le « choc des savoirs », loin d’apporter des remèdes aux maux dont souffre l’Éducation natio­nale va désor­ga­ni­ser les éta­blis­se­ments, com­pli­quer les appren­tis­sages, remettre en cause les postes et les sta­tuts des personnels.